miércoles, 11 de junio de 2008

Les heures magiques

Dans la tiédeur flottent d’étranges filaments blancs. Ils viennent du ciel, ils volent silencieusement, ils restent collé sur les plantes et sur les poteaux de téléphone.
La lumière est puissante, brillante, immense.

Le mystère reste collé sur les mains quand nous courons sur le trottoir pour les attraper. Et quelques secondes après, comme un rêve, il disparaît. On dit qu’il se nomme : « Baba del diablo » (bave du diable)

Personne ne sait ce que c’est.

Mon père s’aventure à dire que la cause peut en être une éruption, lointaine, évidemment, d’un quelconque volcan. Mais ces années-là, les volcans n’explosaient pas. Cela est plutôt dû à un souvenir de son enfance.

Je crois que ce fut avec le Krakatoa.

Allez savoir!

Les langues blanches continuent à descendre silencieusement. Tout le quartier fait la sieste.

L’heure prodigieuse commence.

Au fond de la maison, parmi d’autres arbres, il y a un oranger. Au printemps, il se remplit de petites fleurs blanches et il s’en dégage un merveilleux parfum. Dans le silence de l’après-midi a peine commencée, les abeilles bougent dans une rumeur ailée et laborieuse. Je passe de longues minutes à les observer.
Elles volent au-dessus des fleurs, précises et minutieuses.

Je me fonds avec le silence, je bouge secrètement.

Parmi les feuillages, les fourmis, en file indienne, sont concentrées dans leur transport de matières premières pour leur futur incertain. En réalité, elles ne savent pas qu’il est incertain. Moi, je le pressens, avec cette envie qui me dépasse de jouer comme si elles étaient une colonne de Japonais méchants avançant dans la jungle d’une île du Pacifique. Et que moi, je suis la glorieuse et puissante aviation nord américaine qui les bombarde. Mais cette après-midi, je décide, magnanime, de les laisser en vie.

Au fond du jardin, il y a des choses qui m’intéressent plus.

Une montagne de décombres qui, durant de nombreuses années, est restée là, les restes de la construction relativement accidentée de la maison.

Gloire de mes vieux, gigantesque pas en avant pour la famille, la maison de Castelar a été le délice de nos familles, le moment le plus merveilleux de mon enfance et de la maturité de mes parents, je suppose.

Dans cette montagne presque couverte par un genre de liseron qui traîne et qui envahit tout, il y a un monde. De petits insectes, certains d’une couleur verte métallique qui me fascinent, d’autres pas si beaux mais non moins intéressants. Il y a les habitants vivants, qui se traînent, qui fuient effrayés ou d’autres qui essayent de se camoufler dans la quiétude la plus absolue.
Il y a aussi les habitants morts, comme cette peau d’araignée, gigantesque et impressionnante, que j’ai trouvée parmi les décombres. Elle était parfaitement conservée, entière, c’était une découverte sensationnelle.

Dans le sommet de la petite montagne, juste à l’angle des deux grillages en fil de fer qui nous séparait des maisons du fond et du côté gauche, s’érigeait un des deux mûriers. Y grimper était l’un des sports favoris.

Pour plusieurs raisons.

Premièrement, pour la sensation inégalée que produisait le fait d’être dans les hauteurs de l’arbre à moitié caché par les feuilles. Deuxièmement, par la quantité de vies secrètes qui glissent entre les branches. Et troisièmement et le plus émouvant : de là on voyait assez bien, une partie du jardin des voisins, les Elman qui vivaient dans leur énorme maison verte de style, disons, colonial.

Et dans le jardin, en plein soleil, la merveilleuse blonde sans soutien-gorge. Cela n’était pas croyable.

Me glissant sur la branche le plus délicatement possible, essayant de ne pas provoquer le moindre bruit, enfin, je pus voir réellement ce que j’avais tant imaginé. Blanche et fulgurante beauté.

Bruyant silence de l’après-midi.

Magie ancestrale.

Heure des apparitions secrètes.

Les habitants du monde occulte se montrent à l’arrière des arbustes et des touffes d’herbe. La cigale chante dans la chaleur vibrante. Et ces points lumineusement rosés que je n’oublierai jamais.

Première rencontre avec le corps d’une femme, lointain mais puissamment gravé dans mes souvenirs des neuf ans.

Malena, la nommaient ses parents. Des années après, chaque fois que j’entendais ce tango, ses seins me venaient à l’esprit.

Mais cette vision ne durait pas car suspectant cette jeune femme lumineuse de savoir que je l’observais, je descendais rapidement de ma branche. Et je retournais à mes occupations scientifiques.

Dans le garage, j’ai trouvé le verre dont j’avais besoin et avec un soin exquis, j’y posais le corps de l’araignée.

Je l’ai installé parmi les trophées sur le bureau que mon père avait fabriqué dans la chambre qui avait appartenu à ma grand-mère. Et je n’ai rien dit.

Je suppose que ce fut le lendemain matin, ou un autre, peu importe, pendant que ma mère était occupée à nettoyer que cela arriva.

Moi, j’attendais le moment avec plaisir.

Un trépignement furibond et quelques cris nerveux m’ont indiqué que l’orage approchait. En une seconde, ma mère était dans la cuisine, haletant et quelque peu échevelée. Il y a une énorme araignée sur ton bureau, me cria-t-elle angoissée, en essayant de trouver quelque chose qui puisse tuer un tel monstre.

Tranquille, sans interrompre mon petit déjeuner, je lui dis qu’elle était à moi, qu’il n’y avait rien à craindre, qu’elle était bien morte.

Bien sûr, il va de soi que d’une certaine manière, elle pensa que moi, j’étais un maudit.
Elle me cria hors d’elle, pourquoi je ne lui avais pas dit que j’avais placé cette horreur là, et en plus, pourquoi je ramassais ces porcheries, etc.

J’ai simplement déclaré que c’était ma collection, avec le serpent placé dans le vase contenant du formol, et le cerveau humain dans une situation identique, prêté pour un temps par ma voisine d’en face, Perla.

Et pendant que ma pauvre mère déchargeait son angoisse en me disant tout ce qu’elle pensait de ma collection morbide, je sentais monter en moi, l’un de ces plaisirs que j’ai souvent senti, plusieurs années plus tard, en infligeant une petite méchanceté aux diverses femmes qui sont passé dans ma vie et qui m’ont toléré. Un petit rire compulsif m’émeut, je ne pouvais pas l'éviter.

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